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HADJ 2022: DANS LES MÉANDRES DU MINAT

Après deux éditions manquées du Hadj, pèlerinage religieux des musulmans en terres saintes de l’islam (Mecque, Médine, Mina… en Arabie saoudite) à cause de la pandémie à corona virus (COVID 19), les musulmans du monde entier renouent avec le cinquième pilier de l’islam (Hadj).

Ainsi, le Royaume d’Arabie saoudite, rouvre ses portes aux pèlerins des quatre coins du monde, dès juin 2022 pour l’accomplissement des rites religieux pour la circonstance. Pour l’édition 2022 justement, 1 000 000 de musulmans sont attendus sur place, soit 100 000 venant d’Afrique.
Le Cameroun quant à lui bénéficie de 4 300 places, un record en la matière car lors de la dernière édition en 2019, 2 839 camerounais avaient fait le déplacement et 2 489 lors du pèlerinage 2018.
Seulement, l’épineux problème des prix se soulève une fois de plus. Avant d’y voir plus clair, attardons-nous un peu sur la centralisation inutile et étouffante que le Ministre de l’administration territoriale, Président de la Commission nationale du Hadj au Cameroun, impose aux pèlerins camerounais. Ce dernier a tenu dans ses services le 23 mai 2022, une réunion de concertation avec les encadreurs pour présenter les mesures prises pour l’effectivité du voyage en terres saintes.
A côté des mesures prises en relations avec la lutte contre la COVID 19, des interrogations se posent sur la nécessité de centraliser les procédures d’enregistrement des pèlerins autour des gouverneurs des régions.
Rappelons que pour les éditions précédentes, les pèlerins s’enregistraient au niveau des encadreurs qui étaient présents dans les villes des arrondissements et départements, et donc proches des pèlerins. Ce sont même ces encadreurs qui allaient vers les pèlerins. Toute chose qui facilitait les procédures d’enregistrement et de suivi des pèlerins pendant toutes les étapes de la préparation.
Avec la nouvelle donne qui consiste à ce que tous les candidats au pèlerinage s’inscrivent auprès des services des gouverneurs des régions de leurs résidences respectives, nous assistons à une centralisation inexplicable qui ne répond à aucun besoin, sinon inconnu du public.
A cote des frais supplémentaires que cela engendre, il faut noter que cette mesure est susceptible de créer des embouteillages dans les services des gouverneurs et même le non-respect des mesures barrières COVID 19 qui voudrait par exemple qu’il n’y ait pas d’attroupement de plus de 50 personnes.
Maintenant, pourquoi les prix du voyage pour le Hadj sont-ils si élevés pour les pèlerins camerounais ? Les raisons d’augmentation sans cesse de ces prix ne sont-elles valables que pour les camerounais ? Pourquoi les prix sont-ils stables dans les pays voisins du Cameroun et que pour les pèlerins camerounais, ces prix augmentent vertigineusement d’années en années ?
Tenez, le prix officiel du Hadj 2022 au Cameroun est de 3 294 000 FCFA. Soit une augmentation de 1 002 000 FCFA par rapport à la dernière édition en 2019. A titre de rappel, lors de l’édition 2019, chaque voyageur avait déboursé la somme de 2 292 000 FCFA, ceci grâce à la subvention de la somme de 1 000 000 000 FCFA (un milliard de francs CFA) du Président de la République, car le prix initial était de 2 529 000 FCFA.
Si on prend de 2015 à 2022, on est passé de 2 154 000 FCFA (2015) à 3 294 000 FCFA, une différence de 1 140 000 FCFA, énorme pourrait-on dire ! Dans le même temps, le pouvoir d’achat des camerounais n’augmente pas, tout au contraire.
Essayons de faire une petite comparaison des prix appliqués au Cameroun en la matière, avec ceux appliqués dans des pays proches du Cameroun, qui ont les mêmes réalités, la même monnaie et les mêmes conditions de voyage, sinon meilleures que le Cameroun. Considérons les prix appliqués à la dernière édition du Hadj.

• Tchad : 1 650 000 FCFA
• Niger : 1 800 000 FCFA
• Cote d’ivoire : 2 000 000 FCFA
• Sénégal : 2 000 000 FCFA
• Cameroun : 2 529 000 FCFA (ramené à 2 242 000 FCFA suite à la subvention du Président de la République).

Pourquoi les camerounais doivent-ils payer les prix les plus chers, pratiqués en Afrique, pour aller accomplir le Hadj en termes saintes de l’islam ? Pourquoi nos autorités ne négocient ils pas des prix les plus bas possibles pour permettre à un plus grand nombre des musulmans d’accomplir le pèlerinage ? Les autres pays d’Afrique font comment pour stabiliser les prix et éviter ce genre d’inflation ?

Une autre préoccupation : combien d’argent doit débourser un encadreur pour se voir délivrer l’agrément ? Cette question est importante car là aussi demeure une interrogation, on est en droit de se poser la question de savoir si la cherté des prix n’est pas aussi en relation avec le montant de l’agrément d’encadreur ? Il est évident qu’un encadreur qui paye cher son agrément va aussi se rattraper sur l’argent déboursé par le pèlerin, cela va de soi.

Là encore demeure une opacité car personne ne vous dira combien coute un agrément d’encadreur. Nous avons tout de même une petite idée sur la question : au début des années 2000, tout encadreur devait verser la somme de 3 000 000 FCFA pour obtenir son agrément. Plus de 20 ans après, on peut imaginer la suite.

C’est à la fois indécent et immoral que de vouloir s’enrichir sur le dos des camerounais. L’affairisme qui se développe autour de l’organisation du Hadj doit cesser. Le pèlerinage en terres saintes de l’islam doit être une affaire de tous et non celle des élites, car en augmentant vertigineusement les prix, la classe moyenne des musulmans est d’office exclue. L’Etat doit redorer son blason de protecteur.

Dalailou Yahya Bello, Correspondance particulière Garoua

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