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🇨🇲Cameroon-Débat sur la Notion d’heros National et la place De Ernest Ouandie:ET SI ELIMBI LOBE AVAIT RAISON?

A regarder les faits sans passion, Ernest Ouandié n’est effectivement qu’un bandit, un avatar de l’Histoire dont la place est, au mieux, dans l’ombre d’un Koagne Donatien. Entendons-nous : Je ne parle pas de ce qu’A ETE Ernest Ouandié. De sa stature d’hier. De son influence d’antan. De son rôle dans la lutte de libération du Cameroun. Maints ouvrages, récits et témoignages établissent que cet Ernest Ouandié-là fut grand parmi les grands. Un héros au sens plein du terme. Un héros avec la partie sombre de tous les héros. Son costume n’était pas celui d’un bandit. Et Elimbi Lobe aurait dû châtier son vocabulaire au moment d’en parler….

Mais, revenons à nos jours. Que représente Ernest Ouandié dans l’imaginaire collectif camerounais AUJOURD’HUI ? Une tombe au carrelage ingrat à Bafoussam….Une évocation confidentielle dans les classes d’histoire et autres amphis spécialisés de Ngoa Ékelle….Une proximité vidéographique avec Grand Barack sur YouTube….Une reconstruction mi-anecdotique, mi-Kongossique de sa biographie dans une poignée d’émissions radio en Day Time…. A dire vrai, «Camarade Emile» ne vaut pas mieux qu’un maquisard, un bandit dont l’histoire ne revêt aucun intérêt pour les générations à venir. Et qu’on s’efforce d’étouffer.

Petites expériences intéressantes à faire autour de vous, y compris parmi les pourfendeurs d’Elimbi Lobe : Demandez-leur quels personnalités se cachaient sous les noms de code «Camarade Emile» et «Camarade Mbella». Sondez la place et rôles de Célestin Takala, Gabriel Tabeu et Raphaël Fotsing dans l’arrestation d’Ernest Ouandié. A Bafoussam (où il fut exécuté), à Bangangté (ses racines) comme dans tout le Cameroun, le 15 janvier reste une journée comme une autre. Les touristes camerounais gardent précieusement leurs photos devant «la tombe du soldat inconnu» à Arlington. Combien sont capables de localiser le sépulcre d’Ernest Ouandié entre les quartiers Djeleng 3 et Djimoum de Bafoussam ? Le peuple camerounais est en pamoison devant le face-à-face hollywoodien entre Tom Cruise et Jack Nicholson dans le film «Des Hommes d’Honneur ». Aucune de ses chaines de TV, pourtant, ne songe à reconstituer / immortaliser le brulant interrogatoire, au commissariat de Mbanga en 1970, entre «le Président du Kamerun sous maquis» et «le Correspondant de Jeune Afrique». Qui révèlera aux jeunes générations que le correspondant de Jeune Afrique en question n’était pas un journaliste mais…un inspecteur de police espion nommé Thomas Nsoga ? Qui éclairera le mystère de la blessure au pied du fugitif Ouandié ? Qui restituera le film de la poursuite d’Ernest Ouandié et de son lieutenant Mathieu Njassep dans un champ de cacao et la ruse du second cité pour permettre à l’ancien moniteur d’école de New-Bell de s’échapper ? Qui édifiera les masses sur les véritables raisons de l’absence de Mgr Ndogmo à l’heure de la livraison de Ouandié ? Plus proche de nous : Où se trouve le Carrefour Ouandié à Garoua, Bamenda ou Meyo-Centre ? A quand une délégation de députés, farouche comme un Comex exigeant le respect d’Éto’o au MINSEP, pour défendre jusqu’au bout le projet de construction du Panthéon camerounais ?

Ce qui compte, ce n’est donc pas seulement ce que Ouandié A ETE. C’est davantage ce qu’il EST chaque jour, aujourd’hui et demain, dans les lieux de représentation et de perpétuation de notre imaginaire collectif. La sacralité ne se décrète pas. Elle se vit et se construit quotidiennement par des actes, des actions, des rituels, des règles et lieux. Aussi longtemps que nous n’en construirons pas pour Ouandié, Mongo Beti ou Manu Dibango, ils continueront de loger à la même enseigne que les gangsters et les bandits. Exposés à mille oublis, mépris et étourderies langagières.

Face à la sortie de piste d’Élimbi Lobe, les mots du poète restent plus forts que jamais. «Gémir, pleurer, prier est (…) lâche». Il nous faut agir durablement. Hors de Facebook et des émotions cathodiques.

Heyndricks Bile

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