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CAMEROUN:AU PAYS DU BAVARDAGE, DE LA CONDESCENDANCE ET DE L’ENGAGEMENT POLITIQUE

Il est noir. Noir de chez noir.
Elle est jaune. Je ne sais comment…mais elle est jaune.

Il est né ici, il y a 52 ans.
Elle est née là-bas, il y a 31 ans.

Il vit là-bas, dans ces contrées édéniques qui confèrent intelligence et supériorité à tous leurs habitants.
Elle vit ici. Dans la vase, la puanteur et la gadoue de nos rues prostituées.

Il est le meilleur de tous, self-made man et immaculé génie qui ne doit rien à personne.
Elle ne se réclame meilleure que personne. Sa trajectoire professionnelle et familiale ressemble d’ailleurs à tant d’autres.

Il sévit sur Facebook, de live en directs rageurs, à partir de son studio aseptisé.
Elle défie en live la hideur de nos misères. Et la moiteur de nos bas-fonds rudoie tres souvent son visage poupon.

En deux mois, il a construit une citadelle virtuelle de 6 000 followers surexcités qui, dans une posture sadomasochiste, se masturbent quotidiennement de ses injures : «moisissures de fond de benne», «voleurs», «idiots», «roublards», «branlomanes végétatifs»,…
En deux mois, elle a mobilisé 2345 jeunes de Wouri Est pour une formation en Aquaculture & Apiculture, soutenu matériellement la lutte contre le Covid-19 dans les universités Yaoundé 1 et Yaoundé 2, décroché un financement de Afriland first Bank pour la réalisation de divers projets.

Deux profils. Une même ambition : Changer le Cameroun. Mais, quels outils !

D’un côté, la jactance, l’arrogance et la condescendance ; armes scandaleuses usitées pendant 40 ans par le système qu’on prétend combattre. De l’autre, l’humanisme, le don de soi, la passion des «damnés de la Terre» pour démontrer qu’un autre Cameroun est possible.

D’un côté, la gloriole qui stratifie, les opinions qu’on sanctuarise, le tu-sais-qui-parle qui retourne le couteau dans ces blessures sociales vieilles de plusieurs décennies. De l’autre, le dépassement des ors, le flétrissement des étiquettes, l’effacement de l’individu dans un effort de réconcilier tous les fils de la République. Parce que c’est elle l’objectif, «Notre seul et vrai bonheur».

D’un côté, la manipulation, l’enrégimentement et l’embastillement : «Hurle Alternance tout de suite sinon tu es un Sardinard», «Acclame mes propos sinon tu es un pourri», «Scande nos slogans sinon tu es un neutrard dangereux»….Approches oppressives et manichéennes que de millions de camerounais avides de changement voient revenir avec violence, soutenues par ceux mêmes qui clament combattre la dictature. De l’autre côté, l’ouverture malgré l’opposition, la main tendue par-dessus le désaccord, le sourire dans le combat le plus âpre.

D’un côté, la raillerie, l’humour noir, la désacralisation systématique. Injures à ses compatriotes, discours tribal, impudences à l’égard des femmes, mépris de la terre mère, rejet des lois et des symboles républicains …Tout y passe, avec la belle excuse que les adversaires font pire. De l’autre côté, respect des citoyens et actions concrètes secouent vigoureusement les inerties pluri-décennales. Et laissent entrevoir de réelles possibilités de changement.

«Que voulez-vous comprendre, puisqu’il n’y a rien à comprendre ?», selon une formule de Maurice Kamto.

C’est juste que, selon que l’on est homme ou femme, «Ninja» ou «Députée 2.0», l’amour du Cameroun n’a ni la même signification, ni le même sens, ni la même portée.

Heindricks Bile

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