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Football: Les Stars, Nouveaux Mécènes Des Clubs

Confortées par des revenus de plus en plus pharaoniques, les stars du ballon rond investissent progressivement une partie de leur fortune dans le rachat d’équipes de football. À l’image de l’international sénégalais Sadio Mané qui vient de prendre la tête de Bourges Foot 18 – une structure sportive évoluant en National 2 française –, ils deviennent actionnaires, partiels ou absolus, de clubs. Décryptage de ce phénomène récent qui touche le sport roi.C’est une information qui n’est pas passée sous le radar des observateurs avertis du secteur. Deux mois à peine après son transfert vers le club saoudien d’Al-Nassr pour un montant de 30 millions d’euros, Sadio Mané se lançait dans l’acquisition d’un club français. Le rachat s’est officialisé en octobre dernier, lorsqu’il est devenu l’actionnaire principal de Bourges Foot 18, présidé par le Franco-Sénégalais Cheikh Sylla, « dont l’ambition sera de porter l’équipe en Ligue 2 à l’horizon 2030 », a-t-il précisé dans la foulée, lors d’une conférence de presse. Un choix qui, de la part du vice-capitaine des Lions de la Teranga, soulève une question : ce rachat constitue-t-il un acte isolé ou représente-t-il un phénomène plus répandu dans le monde du ballon rond  ?

Une Nouvelle Dynamique

Un rapide coup d’œil à quelques transactions récentes suffit pour comprendre que cet événement n’a rien d’inédit. En 2018 déjà, Ronaldo, la légende brésilienne passée par le FC Barcelone, le Real Madrid et l’Inter Milan, s’est octroyé le Real Valladolid, pensionnaire de La Liga 2, pour un coût estimé à 30 millions d’euros. Trois ans plus tard, en décembre 2021, il se portait acquéreur de Cruzeiro, le club brésilien où il fit ses débuts, contre une somme de 60 millions d’euros. Autre exemple issu de la galaxie football : Zlatan Ibrahimovic, considéré comme l’un des meilleurs attaquants de sa génération, a pris 25 % des parts de Hammarby, club évoluant en première division suédoise, en novembre 2019.Dans cette dynamique, l’Afrique, qui compte un nombre croissant de joueurs aisés comme Didier Drogba, n’est pas en reste. Ainsi, en juin 2023, l’Ivoirien Wilfried Zaha, attaquant au club phare turc du Galatasaray SK, a racheté – avec le rappeur Stormzy et Danny Young, ex-responsable de l’équipement au Crystal Palace Football Club (Londres) – la modeste équipe de l’AFC Croydon, situé dans la banlieue sud de Londres. Au niveau continental, il en est de même pour d’autres sportifs reconnus. Au Sénégal par exemple, l’ex-star du Chelsea FC, Demba Ba, a acquis en novembre 2022 l’Amitié FC, un club de Ligue 2 basé à Thiès, à 70 km de Dakar, mais aussi l’USL Dunkerque (Ligue 2) avec d’autres partenaires. Des investissements d’un genre nouveau, qui résultent de plusieurs facteurs.

« Le salaire annuel moyen des joueurs les mieux payés était de 25 millions de dollars [23 millions d’euros]. Il a passé la barre des 90 millions de dollars [83 millions d’euros] en 2019 ». – Krystle D.

Diversifier Les Revenus

Ainsi, explique un gestionnaire spécialisé dans le droit du sport basé en Belgique, « les investissements des joueurs suivent l’évolution de leurs salaires, en hausse drastique au cours des dernières années, et par ricochet ces derniers se diversifient, comme dans les placements en bourse, l’immobilier et maintenant les clubs de football pour certains ». Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2011, observe la journaliste américaine Krystle Dodge, « le salaire annuel moyen des joueurs les mieux payés était de 25 millions de dollars [23 millions d’euros]. Il a passé la barre des 90 millions de dollars [83 millions d’euros] en 2019 ». Dans ces conditions, pas étonnant qu’un nombre croissant de joueurs aux moyens plus colossaux, comme Sadio Mané (dont le salaire annuel s’élève actuellement à 40 millions d’euros), n’hésitent pas à s’offrir une équipe pour placer leur argent. Car « aujourd’hui, bon nombre d’entre eux comprennent bien que rentabiliser leurs épargnes à long terme est devenu un enjeu important pour éviter le risque de les dilapider à petit feu », mentionne un fiscaliste désireux de rester anonyme.En Angleterre, Xpro, le principal syndicat des footballeurs professionnels – qui aide ceux-ci à se reconvertir après leur carrière de joueur –, estime que « 40 % des footballeurs professionnels font faillite dans les cinq ans qui suivent leur retraite, et un nombre bien plus élevé encore rencontre des difficultés financières plus tard dans leur vie ». Un constat amer qui pousse les athlètes à chercher à mettre leur agent à l’abri dans des placements rentables. Et quoi de mieux que de le faire dans des organisations dont les revenus vertigineux sont en constante augmentation ?

« Aujourd’hui, bon nombre d’entre eux comprennent bien que rentabiliser leurs épargnes à long terme est devenu un enjeu important pour éviter le risque de les dilapider à petit feu ».

Frank Acheampong Actionnaire des Accra LionsPour cette saison, les montants issus de la Ligue des champions se hissent à plus de 2 milliards d’euros. De ces sommes aux droits télévisés, qui atteignent des sommets (en Angleterre, la Premier League vient d’annoncer un accord de 7,7 milliards d’euros), en passant par les produits du merchandising et les coupes locales jouées à l’étranger, les clubs ont vu leurs bénéfices exploser au cours de la décennie écoulée. Par exemple, selon le cabinet Deloitte, les gains du grand Manchester City ont plus que doublé, passant de 316 millions d’euros en 2013 à 731 millions aujourd’hui. Aussi est-ce sans surprise que l’étoile britannique au coup franc légendaire, David Beckham, déjà copropriétaire de l’Inter Miami, lorgnerait sur Manchester United, dont la vente peine à se concrétiser.

En Afrique même, des gloires passées et présentes font aussi les yeux doux à certains clubs sportifs. Ainsi de l’international ghanéen Frank Acheampong, 30 ans, qui pour la somme de 2 millions d’euros, a racheté les Accra Lions, club ghanéen de première division, en compagnie de Lothar Matthäus, ancien international allemand aux 150 sélections, et de Franck König. Histoire certainement d’y faire jouer de jeunes talents détectés, pour les transférer dans des structures plus huppées et ainsi tirer profit des bénéfices potentiels qui seront générés lors des mercatos à venir.

 

On l’aura bien compris, l’image d’un footballeur qui raccroche ses crampons pour devenir propriétaire d’une brasserie apparaît désormais révolue. Le foot business contemporain a transformé bon nombre de joueurs en financiers pourvoyeurs d’argent pour certains clubs. Et ce phénomène risque de s’accentuer, avec des salaires qui ne cessent de croître. Cependant, confie notre expert, « il faut être vigilant pour réaliser de tels investissements : les acteurs aux manettes des organisations sportives sont des hommes d’affaires souvent très malins et un sportif pourrait se faire avoir. La prudence est donc de mise ». Dans cette galaxie de financements tous azimuts qui s’est emparée de la planète foot, l’avenir dira quelles stars auront su tirer leur épingle du jeu.

« 40 % des footballeurs professionnels font faillite dans les cinq ans qui suivent leur retraite, et un nombre bien plus élevé encore rencontre des difficultés financières plus tard dans leur vie »

Victor Esso 

 

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