Pour la branche CEMAC de la Chambre africaine de l’énergie, la nouvelle réglementation de change imposée par la BEAC fera perdre dès opportunités d’emplois dans le secteur. Mais les arbitrages sont complexes et la société civile a un autre avis.
La Chambre africaine de l’Energie, un réseau d’entreprises opérant dans le secteur en Afrique, accentue la pression sur la Banque centrale d’Afrique centrale (BEAC) au sujet de sa nouvelle réglementation de change.
Dans un communiqué diffusé ce 9 novembre 2020, Leoncio Amada Nze, directeur général d’Apex Industries Equatorial Guinea et président exécutif de la Chambre africaine de l’énergie zone CEMAC, a fait savoir que si la BEAC ne revenait pas sur ses règles, cela ferait perdre beaucoup d’emplois dans les pays de cette sous-région.
« La Chambre africaine de l’énergie comprend donc la volonté des gouvernements de protéger leurs réserves de change en baisse suite à la réduction des revenus provenant des recettes pétrolières et gazières depuis la chute des prix du pétrole de 2014 et la récente chute déclenchée par la covid-19. Cependant, nous pensons que le nouveau règlement sur les changes est une réponse mauvaise et inappropriée à ces nouvelles dynamiques de marché. C’est un déclencheur pour plus de bureaucratie, de corruption et c’est le tueur ultime d’emplois », peut-on lire dans sa communication.
Depuis 2016, la CEMAC dont les pays membres sont le Cameroun, le Tchad, la Guinée équatoriale, le Congo-Brazzaville, le Gabon et la République centrafricaine, connaît des défis de réserves de change. Une baisse des prix du pétrole, la principale source de devises pour ces pays, a réduit les entrées de devises, tandis que les dépenses d’importation ont continué d’être importantes.
Cette situation a conduit les autorités de la sous-région à choisir entre un ajustement monétaire qui consisterait à dévaluer le franc CFA utilisé dans cette zone, ou à opérer des changements économiques et des ajustements budgétaires. Une des grandes réformes économiques préconisées par la Banque centrale est celle de la réglementation de change.
Parmi les nouvelles règles, on relève que le produit des exportations de 5 millions FCFA et plus soit rapatrié dans les 150 jours à compter de la date d’exportation. De même, l’ouverture de comptes en devises est soumise à des autorisations préalables et une taxe de 0,5% est désormais applicable pour des transferts hors CEMAC de plus de 1 million FCFA.
Pour M. Amada Nze, dont l’entreprise est un sous-traitant pour des opérateurs pétroliers en Guinée équatoriale, ces restrictions imposées par la BEAC entraîneront un tarissement des investissements étrangers en Afrique centrale. « L’accès au financement étranger pour les entreprises locales, qui était déjà un défi, semble désormais insurmontable. Les banques étrangères, les fonds spéculatifs et les autres bailleurs de fonds traditionnels et non traditionnels ne soumettront pas leurs investissements à de telles restrictions. Les entreprises étrangères continueront de renforcer leur position pour desservir l’industrie depuis l’étranger, au détriment des entreprises locales et des emplois locaux dans le secteur », a-t-il ajouté.
La nouvelle réglementation est pourtant perçue comme plus juste par une partie de l’opinion publique notamment au Cameroun. Le Centre régional africain pour le développement endogène et communautaire (CRADEC) a récemment produit un rapport qualifiant d’illicite la rétention des devises obtenues sur le pétrole camerounais, vendu par des opérateurs pétroliers étrangers partenaires du Cameroun.
« Logiquement, lorsque de la ressource camerounaise est vendue à l’extérieur, pour que cela ait un effet positif dans notre économie, il faudrait que le paiement transite par le Cameroun et je dirais même la CEMAC. Cela permet de créer une masse monétaire essentielle pour financer l’économie à moindre coût. Mais lorsque l’argent est retenu à l’étranger, il y a une limitation sur une des bases de la création de monnaie et ce sont nos économies qui sont perdantes. Les emplois ne peuvent pas être sauvés parce que les exportateurs du secteur énergétique gardent leurs devises, surtout que ce sont des secteurs qui utilisent très peu la ressource humaine locale », a expliqué Jean Mballa, le directeur exécutif de cette organisation.
Le rapport de conciliation du Cameroun relatif à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) pour l’année 2017 confirme cet avis. Selon ce document, le secteur pétro-gazier camerounais en 2017 ne comptait que 1687 employés. Cela ne représentait que 0,68% des emplois offerts par ce que l’Institut national des statistiques appelle les sociétés modernes.
Idriss Linge/Ecofin