Industrie créative et culturel : Afreximbank, un milliard de dollars pour le cinéma africain
La Banque africaine d’import-export (Afreximbank) a annoncé, à l’ouverture du Sommet CANEX 2023 organisé dans le cadre de la troisième Foire commerciale intra-africaine (IATF2023) qui se tient actuellement au Caire, la création d’un Fonds pour le cinéma africain d’un milliard de dollars. Le fonds, qui sera lancé en 2024, doit soutenir l’industrie cinématographique du continent alors que l’Afrique pourrait être la prochaine grande frontière pour les créateurs de contenu…
D’ici 2030, l’Afrique devrait produire jusqu’à 10% des exportations mondiales de biens créatifs, d’une valeur d’environ 200 milliards de dollars, soit 4% du PIB de l’Afrique ©Netflix
Il ne s’agit pas de la première initiative portée par Afreximbank en faveur du secteur des industries culturelles et créatives (ICC), et du cinéma, en particulier. En 2020, la banque africaine d’import-export avait annoncé le lancement d’un fonds de capital-risque de 500 millions de dollars, en faveur des ICC, perçues comme un fort pourvoyeur d’emplois et de richesses sur le continent. C’est d’ailleurs dans ce sens que le programme Creative Africa Nexus (CANEX) a été mis en place. Au-delà du rendez-vous annuel qui réunit les principaux acteurs du secteur, ce programme d’Afreximbank vise à soutenir les initiatives africaines et de la diaspora, dans le domaine des ICC, en fournissant des instruments financiers et non financiers pour stimuler leur croissance.
Kanayo Awani, vice-présidente exécutive d’Afreximbank
“Le fonds supervisera le financement des films, en partenariat avec les grands studios, et subventionnera les cinéastes africains et les producteurs et réalisateurs de projets audiovisuels à travers le continent“
Kanayo Awani
Profitant de l’ouverture du CANEX 2023, organisé dans le cadre de la troisième Foire commerciale intra-africaine (IATF) qui se tient actuellement au Caire, en Égypte, Kanayo Awani, vice-présidente exécutive d’Afreximbank, a annoncé la création d’un nouveau fonds en faveur du cinéma africain d’un montant d’un milliard de dollars. Le fonds, qui doit être officiellement lancé en 2024, soutiendra l’industrie cinématographique du continent. “Le fonds supervisera le financement des films, en partenariat avec les grands studios, et subventionnera les cinéastes africains et les producteurs et réalisateurs de projets audiovisuels à travers le continent“, précise Kanayo Awani.
Ce nouveau fonds confirme l’intérêt de la banque pour les ICC. L’année dernière, la banque avait annoncé le doublement du financement qu’elle mettait à la disposition du secteur créatif, le passant de 500 millions de dollars à un milliard de dollars. À l’heure actuelle, Afreximbank a investi plus de 600 millions de dollars dans le domaine du cinéma, de la musique, des arts visuels, de la mode et du sport. “Le tout premier film que nous avons financé a récemment été présenté en avant-première au Festival du film de Toronto”, se réjouit Kanayo Awani. La Banque en a plusieurs en préparation en provenance du Nigeria, d’Afrique du Sud et du Kenya, qui devraient être sur les plateformes de streaming en 2024.”
Selon l’institution, d’ici 2030, l’Afrique devrait produire jusqu’à 10% des exportations mondiales de biens créatifs, d’une valeur d’environ 200 milliards de dollars, soit 4% du PIB continental.
La propriété intellectuelle, un défi parmi d’autres
L’industrie cinématographique et audiovisuelle africaine représente 5 milliards de dollars du PIB continental et emploie environ cinq millions de personnes. Si tout le potentiel était exploité, ces chiffres atteindraient respectivement 20 milliards de dollars et 20 millions d’emplois. Mais le secteur est confronté à plusieurs défis : un accès limité au financement et des violations fréquentes du droit d’auteur en raison de la faiblesse des appareils législatifs, des mécanismes de contrôle et du manque de sensibilisation. Le secteur fait également face à des lacunes en matière d’infrastructures technologiques, à un manque de capacité et à une pénurie de professionnels qualifiés. Cela pénalise l’accès des produits créatifs et culturels africains aux marchés et à une exposition internationale.
“En surmontant ces défis, les industries créatives et culturelles de l’Afrique peuvent libérer tout leur potentiel, contribuer à la croissance économique, créer des opportunités d’emploi, préserver le patrimoine culturel et façonner un paysage créatif dynamique et diversifié”, assure la vice-présidente d’Afreximbank.
L’Afrique, dernière frontière pour les créateurs de contenu
D’autant que la demande est là. Des succès internationaux tels que Black Panther ou The Woman King ont confirmé la popularité d’un cinéma qui renouvelle le narratif sur l’Afrique et propose des représentations positives. Concernant le marché régional, les spectateurs réclament davantage de contenus locaux. Avec une population en augmentation et la multiplication des maisons de production africaines, l’Afrique pourrait devenir “la prochaine grande frontière pour les créateurs de contenu” envisage Juliet Asante, présidente de la National Film Authority (NFA), au Ghana, citée dans un rapport produit par l’UNESCO, en 2021, L’Industrie cinématographique africaine : tendances , défis et opportunités de croissance, lequel confirme l’essor du cinéma africain. À l’image de Nollywood, l’industrie cinématographique nigériane qui produit environ 2 500 films par an et a créé son propre modèle économique en faisant émerger une industrie locale de production et de distribution.
Le rapport de l’UNESCO souligne surtout la révolution numérique en cours, amorcée il y a une vingtaine d’années et accélérée par la pandémie de Covid-19 qui change la donne. Avec seulement 1 500 salles de cinéma sur l’ensemble du continent, selon le rapport, le streaming et l’arrivée de la vidéo à la demande (VOD) a fourni un foyer organique à une nouvelle vague de divertissement africain – cinéma et télévision. Si, pour l’heure, le taux de pénétration du streaming, en Afrique subsaharienne, reste très faible (moins de 1%) , ce mode de diffusion rebat les cartes. Pour preuve, l’arrivée de géants comme Netflix, qui a conclu des accords de développement avec des créateurs et des sociétés de production locaux et lancé ses premiers contenus originaux africains en 2020, Amazon, qui a récemment constitué ses équipes de développement locales en Afrique du Sud et au Nigeria, ou encore Disney+ et Paramount+, entrés depuis peu sur le marché de plusieurs pays.
En attendant, le CANEX 2023 a également vu la naissance d’une nouvelle initiative toujours en faveur de la promotion des ICC : le Prix CANEX pour l’édition en Afrique. Il récompense l’éditeur du meilleur titre africain de fiction ou de non-fiction. Le premier lauréat sera honoré au CANEX WKND, en 2024. Le prix annuel sera ouvert aux écrivains de tout le continent africain.
Dounia Ben Mohamed